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« La chimie est le métier mal aimé des marchés, car déclinant en Europe »

Habituée du Forum économique mondial de Davos (Suisse), Ilham Kadri n’a pourtant guère le temps de profiter des conférences. Ses journées se bornent à rencontrer des partenaires et des clients. Jeudi 18 janvier au matin, elle se trouvait dans le centre des congrès pour évoquer son aventure. La patronne du groupe chimique belge Solvay n’est plus la patronne de Solvay, même si elle n’a pas quitté son entreprise. Le 11 décembre 2023, le groupe s’est scindé en deux, avec la mise en Bourse de sa chimie de spécialité, qui représente 60 % de l’activité de la société. Les actions nouvelles ont été distribuées aux actionnaires existants.
La chimie européenne n’en est pas à sa première réorganisation, mais celle-ci intéresse l’histoire industrielle française puisque Solvay avait acheté, en 2015, ce qui restait de la chimie de Rhône-Poulenc, autrefois champion hexagonal du domaine, rebaptisé Rhodia. C’est ce morceau qui constitue une bonne partie des activités du nouveau Syensqo.
Appelée en 2019 pour « réveiller la belle endormie », autrement dit améliorer la croissance et la rentabilité de la vieille dame belge, la Franco-Marocaine Ilham Kadri a fait le ménage dans les activités et le bilan de l’entreprise qui, avec l’acquisition de Rhodia, avait également récupéré le mistigri de la dette de Rhône-Poulenc laissée en cadeau d’adieu.
La dette réduite de 50 %, restait à décider du sort d’une entreprise comportant des activités très rentables mais sans croissance, comme la fabrication du carbonate de soude des débuts de Solvay, et la chimie de spécialité (des shampoings aux puces et batteries), en plein essor. Plutôt que de profiter des bénéfices de l’une pour financer le développement de l’autre, le conseil d’administration a opté pour la scission. Les cures de minceur sont à la mode dans ce métier mal aimé des marchés, car déclinant en Europe.
C’est le drame de la chimie. L’Allemagne, ancien champion mondial, avait déjà encaissé la montée en puissance de l’Amérique, de la Chine et des pays du Golfe. Mais la fin du gaz russe bon marché a porté un coup très dur aux fleurons industriels rhénans. Pour s’en sortir, les Allemands sont partis en Chine, et Solvay en Amérique. Désormais, 41 % des activités de Syensqo sont implantées aux Etats-Unis, 35 % en Asie et moins d’un quart en Europe.
« Nous allons là où sont nos clients et où l’énergie est bon marché », reconnaît Ilham Kadri. A cela s’ajoutent une réglementation plus pointilleuse sur le Vieux Continent et des incitations financières très fortes outre-Atlantique. A présent, la Chine contrôle 50 % de la chimie mondiale, indispensable, entre autres, pour la transition énergétique. Une autre histoire du déclin industriel européen.

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